mercredi 25 septembre 2019

Jour 7 : l'arrivée à Dakar

Départ : Nouadhibou GQPP (Mauritanie)
Escale : Saint Louis GOOS (Sénégal)
Arrivée : Dakar GOOY (Sénégal)

Distance : 800 km
Temps de vol :4h30


Le jour se lève sur Nouadhibou mais cela fait déjà un petit moment que nous avons les yeux ouverts.
Nous prenons le petit déjeuner assis en rond sur le tapis. Étape saharienne oblige, on se met à la mode orientale. Nous arrivons à Dakar ce soir, nous avons le cœur léger.

Au retour sur le terrain, nous débâchons l’avion, retirons les mousses de protection d’entrée d’air et libérons les caches des sondes pitot et statiques. Le sable est bien réparti tout autour des protections, nous avons eu raison d'en prévoir plusieurs couches. Le sable est un ennemi redoutable pour l’avion. Dans le moteur, il fait du dégât, et dans les prises d'air, il bouche les conduits, faussant les indications d’altitude et de vitesse. Sur le pare-brise, si on n’y fait pas attention et que l’on passe un coup de chiffon banal, on peut rayer le plexiglas de la verrière et réduire la visibilité. Il faut donc être vigilant.


Azur 6 prêt au départ en Mauritanie
Depuis le sud du Maroc et la Mauritanie, nous avons toujours eu un peu de vent, ce qui nous permet de ne pas cuire sous le soleil du Sahara. C’est toujours le cas aujourd’hui. La caravane se remet en route doucement, nous laissant le temps de monter à la tour nous faire tamponner notre carnet de vol. Nous avons à présent le tampon de Casablanca, de Tarfaya et de Nouadhibou. Le prochain sera Dakar à coup sûr. Les gens ici sont vêtus avec la toge traditionnelle des nomades du désert avec le chèche autour du visage ou un chapeau. C’est différent de notre culture mais ça nous rappelle que nous avons fait du chemin. Discuter avec ces gens ayant une notion du temps différente de la nôtre est très enrichissant.

Nous reprenons la route vers Dakar, Eddy en commandant de bord. 4h30 de vol nous attendent pour rejoindre notre destination du jour. Sur le chemin, nous ne bénéficions plus de vent favorable, nous entrons dans un vent de sable qui perturbe notre champ de vision et qui rend au désert ce qui est au désert. Cela ne va pas faire du bien à notre moteur. 

Le vent de sable, pas très accueillant...
Très peu d’espaces aériens ou zones limitent notre altitude, chaque équipage tente donc une stratégie différente en vol pour éviter les affres du plein soleil convergeant sur la verrière sans ombre et tenter de trouver un courant d’air favorable. Certains montent à 4500ft, d’autres 3000ft et d’autres encore tente 2000ft mais rien n’y fait. Nous ne sommes pas aidés. Pour notre part, nous avons choisi de voler à basse altitude vers 1000ft. 
Vol basse altitude en vent de sable
Certes il fait chaud, certes le moteur aspire beaucoup de sable mais nous avons un bon visuel sur le sol et il est plus facile de lever les yeux vers le ciel pour trouver les copains que de se chercher dans l’espace si on se retrouve en plein dans le nuage de sable. Et puis, nous finissons par trouver un léger vent favorable nous faisant gagner 10kt par moment. Habituellement, nous croisons à 115kt, aujourd’hui avec la chaleur nous avons plutôt une vitesse de l’ordre de 100kt voir 105-110 par moment grâce au coup de pouce de vent. Le vol est parfaitement rectiligne. Nous cherchons à maintenir la vitesse sol. Petites corrections, pilotage de planeur. C’est fatiguant, mais ça paie. Les calculs donnent des résultats favorables pour la destination, Dakar. Nous avons mis Saint Louis en déroutement sur le plan de vol. C’est de la triche : nous nous arrêterons de toute façon, pour boire frais et satisfaire à nos besoins naturels.

La température monte. Le plan tient pour la destination. Le vol se transforme en course d’endurance. Les 3 membres d'équipage surveillent les signaux envoyés par leur corps : soif, chaleur, faim, digestion…
Pas de souci de pose pipi, par contre nous devons boire, beaucoup. Nous perdons plus d’eau que nous n’en consommons. Ce sont les aléas du vol dans le désert.

Ce serait mentir que de vous dire que nous avons eu un vol merveilleux avec un défilé de paysages magnifiques ... nous étions plutôt dans l’ordre du dépassement de soi et de la concentration.

Cela fait plusieurs jours que nous faisons 5h de vol par jour, avec la préparation amont et les briefings ainsi que les rencontres, les journées sont longues et la fatigue s'accumule et se fait clairement ressentir. Mais, dans de telles conditions, il est important de faire un des exercices les plus exigeants, le vol en palier à vitesse constante par visibilité réduite et conditions difficiles. Ce n’est pas facile, surtout pour Eddy qui débute dans le métier, mais il est venu pour ça. Sortir de sa zone de confort pour apprendre et découvrir, ça fait partie des objectifs de ce Raid aérien. Et bien ça tombe bien, c’est maintenant.

Comme prévu, nous ne voyons pas la frontière invisible qui marque le passage du désert à la savane, à l’approche du fleuve Sénégal. Le cerveau met du temps à comprendre qu’il y a de nouveaux des arbres et de l’herbe. Nous passons au-dessus de villages de pêcheurs, le long de la plage, avec des cocotiers. Après 1500 km de sable désertique, nous ne pouvons plus nous en passer. 3h30 plus tard, nous décidons de dérouter sur le terrain de Saint-Louis du Sénégal pour des raisons de confort et historiques. Saint Louis est en vue, nous arrivons au bout de la Ligne. L'aérodrome est contrôlé, nous en profitons pour faire une longue finale opérationnelle. Un peu de frime, nous arrivons dans un bled qui a vu passer des pilotes prestigieux après tout.



Eddy procède à l'atterrissage sur le terrain de Saint-Louis du Sénégal
Il est prévu d’y revenir dans 2 jours, mais l’idée d’aller se poser sur le terrain de départ des grandes traversées de l’Atlantique de Mermoz est irrésistible. Et au passage, on est heureux de sortir s’aérer quelques instants. Enfin, s’aérer est un grand mot, nous sommes de plus en plus près de l’équateur et le climat tropical nous a rattrapé. A l’ouverture de la verrière nous avons une claque de chaleur et d’humidité qui vient nous saluer. Bienvenue au Sénégal !
Notre avion sur le terrain de Saint-Louis
Après quelques minutes de répit, nous repartons vers Dakar. La ville de Saint-Louis et les plages de Dakar sont magnifiques mais nous ne nous éternisons pas, nous y repasserons dans quelques jours plus longuement.

A l’approche de Dakar, l’énorme statue de la Renaissance nous salue et nous nous posons sur l’aéroport international de Léopold Sedar Senghor.

Lolo s’est posé a Tarfaya, Eddy à Saint Louis, Camille à Dakar : tout l’équipage Azur 6 s’est badigeonné de légende.
La statue de la renaissance de Dakar
Pour l’anecdote, le contrôleur aérien nous a demandé de nous presser un peu dans le tour de piste sans aucune raison visible à première vue. Au sol, nous voyons l’avion présidentiel derrière nous. Nous comprenons que nous devions dégager le passage pour Monsieur le Président de la République du Sénégal. Un honneur.

A l'arrivée à Dakar, Eddy a monté un plan pour aller porter la bonne parole des études supérieures, dans un lycée de Dakar. Le prof qui vient nous chercher ne peut s'empêcher de rire quand il nous voit débarquer à 2, alors qu’il est venu avec un bus de 60 personnes. On traverse Dakar à 8 dans un énorme bus, alors que nous croisons des tas de gens entassés dans des petits bus qui ressemblent à la voiture de Bob Marley. Tiens, une stèle à la mémoire de Jean Mermoz. Il y a carrément un quartier qui porte son nom. Difficile d’échapper au raid Latécoère.


Stèle de Mermoz sur un rond point dans le quartier du même nom
Notre contact sur place est M. Simon Goudiaby qui est le responsable des classes préparatoires aux grandes écoles de l’école Sacrée Cœur de Dakar. Notre présence est une initiative Azur 6. L’école Sacrée Cœur est un réservoir de talents sénégalais qui envoie leurs élèves passer leur diplôme d’ingénieur en France. Soit du côté dans La Rochelle ou en Normandie grâce à des accords. L'école d'ingénieurs qui nous concerne est l’ESIGELEC de Rouen. Eddy en est sorti diplômé en 2015 après 3 ans d’études. L’idée de cette rencontre est de créer là aussi un lien entre les étudiants de Rouen et ceux de Dakar qui sont amenés à se retrouver à l’ESIGELEC, le moment venu. Le temps nous manque mais nous allons tout de même dans l’école de Simon.
L'école Sacrée Coeur de Dakar
Dans un amphithéâtre rempli d’une cinquantaine d’étudiants en classe préparatoires, nous sommes attendus sur scène assis à la table, façon conférence de presse. Après les présentations, l’échange débute. Eddy a prévu une présentation de l’école avec des photos et des vidéos malheureusement nous n’aurons pas le temps de les montrer. Nous improvisons un dialogue. L’idée est de raconter comment et pourquoi nous sommes devant eux aujourd’hui et leur parler de leur potentiel futur à l’ESIGELEC. Quelques questions sont posées sur le parcours d’Eddy : est-ce possible de faire pilote et ingénieur ? Qu’est-ce que c’est vraiment un ingénieur ? Est-ce que ça paie bien ? Quelles sont les débouchés ?
La réalité est qu’ils ne font que de la théorie. Pas de pratique car pas de matériel. Ils passent donc des sélections à la fin de leur scolarité pour intégrer l’école. Ensuite, ils sont envoyés dans un pays qu’ils ne connaissent pas dans un environnement différent pour étudier des domaines qu’ils n’ont vus que sur le papier. Et malgré tout, ils arrivent à l’école et ils réussissent leur parcours. L’histoire est prodigieuse. Il est donc tout naturel de les intégrer à la famille ESIGELEC le plus tôt possible et leur parler de ce qui les attend pour les motiver et les rassurer. Leur action est une forme de courage.
L'amphithéâtre où nous avons pu rencontrer les jeunes

Le directeur de l'école, Azur 6, et le responsable de filière M.Goudiaby
Les étudiants semblent ravis de l’entrevue et ils viennent nous saluer à la fin de la présentation avec le plus grand des respect, ce qui ne manque pas de nous toucher. Nous terminons notre visite par un petit tour dans l’école pour observer les installations. Il faut aller raconter et montrer tout ça aux étudiants de l’ESIGELEC pour qu’ils soient conscients de la chance qu’ils ont d’avoir un tel mélange de cultures dans une école.
Simon Goudiaby posant fièrement devant sa classe prépa

Une rencontre au sommet dans son bureau

La salle de classe des prépas
Après ça, nous sommes raccompagnés en taxi par Simon Goudiaby qui nous emmène à l’ambassade française pour une réception donnée en l’honneur du Raid.
Pourris, en combinaison. C'était à parier. Les autres nous rejoignent. On passe la soirée à admirer la baie sur l’escalier monumental, en mâchouillant des petits fours et en discutant avec des cadets de l'armée de l’air sénégalaise. Nous sommes crevés, crasseux, mais très heureux d'être là.
Accueil du Raid à l'ambassade de France au Sénégal
Pour certains, c’est la fin du voyage, pour d’autres, c’est le début du retour. Nous avons une pensée pour les deux d’entre nous qui n’arriveront jamais.



1 commentaire:

  1. Bravo pour cet Aller au bout de la Ligne en sa partie africaine. Sûr que les deux d'entre vous qui sont maintenant sous d'autres cieux en auraient été contents. La Ligne est passée et continuera,dans l'esprit d'abnegation et de courage des premiers pionniers que le Raid contribue à nous remémorer. JFD.

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