samedi 28 septembre 2019

Jour 11 : Retour vers le Maroc

Départ : Saint Louis GOOS (Sénégal)
Escale : Nouadhibou GQPP (Mauritanie)
Arrivée : Dakhla GMMH (Maroc)

Distance : 1000 km
Temps de vol : 5h30

Ce matin on se lève à l’Hôtel de La Poste de Saint Louis, repère historique des pilotes de "la Postale". Tout le monde s’active pour quitter l’hôtel et prendre la direction du terrain. La journée est longue.
Le légendaire Hôtel de la Poste, escale régulière des pilotes de l'Aéropostale

Salle de restaurant, ancien cinéma de Saint-Louis

Superbe décoration avec une des citations les plus célèbres de Jean Mermoz
Ce soir, nous devons dormir à Dakhla au Maroc. Il va donc nous falloir traverser toute la Mauritanie.
Alors qu’à l’aller nous avons bénéficié de vent porteur à basse altitude, il nous faut donc monter cette fois-ci pour attraper les courants favorables. La météo est claire, il faut monter au moins au FL045 pour ne pas avoir de vent de face. Cependant nous avons pu observer que notre avion n’est pas un foudre de guerre en haute altitude, il va falloir composer avec ça pour maximiser les performances.

Le trajet prévu est de partir de Saint-Louis, s'arrêter à Nouadhibou (380 Nm, 3h45 environ), pour y ravitailler puis repartir en direction de Dakhla (150 Nm, 1h10 environ). Le début du trajet se fera à basse altitude jusqu'à Nouakchott puis nous monterons au FL045 pour la suite. Une attention particulière est portée à la brume de mer qui peut envahir Dakhla à tout moment, en quelques minutes. Dans ce cas, il faut rebrousser chemins et dérouter à Nouadhibou. Dakhla est considéré comme un terrain isolé, il faut donc réglementairement arriver sur place avec au moins une heure de "pétrole" de réserve. La fameuse réserve finale obligatoire que l’on nous enseigne pendant le PPL. Nous garderons l’œil également sur le vent de sable annoncé.
Le vent de sable guette notre passage
Pendant le vol, tout se déroule mieux que prévu. Le visibilité est très bonne, le ciel dégagé et aucune présence d’entrée maritime à l'horizon. Oui, il y a du vent de sable, mais le phénomène reste contenu dans les basses couches. De plus, le fait de voler haut avec une bonne visibilité facilite le transit.
Pause sandwich pour Camille, qui a laissé momentanément les commandes à Laurent à droite
En ce qui concerne le paysage, les rives du fleuve Sénégal, inondées comme il se doit font imperceptiblement place au désert au moment de passer la frontière mauritanienne. La brume d’eau est remplacée par la brume de sable. Le vent du sud qui nous a poussé vers la Mauritanie mollit en passant Nouakchott. Nous essayons de monter pour trouver un vent plus favorable. C’est à peine mieux, mais il fait plus frais, ce qui est toujours agréable dans le cockpit.

Le ravitaillement à Nouadhibou est très efficace. On se répartit les taches : certains gèrent le fuel et d’autres les plans de vols ainsi que les formalités administratives. 45 min après notre atterrissage nous sommes de nouveau en l’air en direction de Dakhla : nous commençons à être rodés !


Alors que Camille a opéré la descente jusqu'à Nouadhibou, Laurent prend le manche pour le vol à destination de Dakhla avec Eddy en copilote. Ici encore, le vol se déroule bien au détail près que le vent n’est ni défavorable ni favorable. Notre vitesse sol dépasse à peine les 100kt.

Petit moment détente au-dessus des côtes africaines
Nous concluons le vol par une longue finale avec le vent du nord qui forcit. L'arrivée est assez opérationnelle, mais, avec 30 kts de vent de face, nous ne concurrençons pas le Concorde. L’atterrissage se passe bien. Nous nous sommes rapprochés de 1000 km de la maison. Le vent souffle effectivement très fort une fois la verrière ouverte. Ça change du climat étouffant, car chaud et humide, du Sénégal.

Nous passons des minutes intenses á essayer de protéger l’avion contre le sable ainsi qu'à remplir les réservoirs de carburant de l’avion, avec un vent du diable. Les commandes sont bloquées, l'avion est campé et protégé. Nous pouvons aller nous reposer après cette étape-marathon...avant la suivante !

L'avion campé, prêt à passer la nuit


Jour 10 : Moments de partage à Saint-Louis

Ce matin nous partons tôt au terrain de Saint Louis du Sénégal.

Aérodrome de Saint-Louis, vu de la tour de contrôle
L’activité de la matinée est de proposer des baptêmes de l’air à des enfants. Cela représente environ 60 enfants, dont la moitié viennent d'un orphelinat de Saint-Louis et l’autre moitié sont les enfants du personnel de l’aérodrome qui nous accueille. 10 avions se sont proposés pour effectuer des baptêmes dont notre équipage. Nous opérerons 3 rotations pour emmener les enfants 2 par 2. Le plan est de faire un grand tour de piste bien espacé pour réguler les 10 avions qui vont tourner.

Briefing de préparation des baptêmes
Dans l’avion, 2 enfants et le binôme pilote/copilote avec Laurent, et sa casquette d'instructeur, à chaque rotation. En effet, nous choisissons d’appliquer les règles des vols découvertes de France afin d’assurer la sécurité. Camille et Eddy se relaieront à côté de Laurent pendant les 3 tours.

Ce moment de partage est réalisé avec le soutien de nos partenaires, notamment la Normandie et ESIG'Aéro
Eddy et Laurent prêts pour le second tour
 Les enfants ne sont pas complètement tranquilles quand ils montent dans l’avion. La météo est tropicale. Chaude et humide, nous nous sentons comme dans une couscoussière. Des petits cumulus à 1200ft, avec les cocotiers à l’horizon, de l’autre côté du fleuve, voilà le tour d'horizon. Même pour un amphi-cabine, ce serait presque paradisiaque. Et nous allons voler. Nous sommes à l’aube d’un grand moment d’aviation, pour les enfants, et pour les pilotes.

Nous accueillons dans un premier temps deux jeunes filles pour qui l’avion est une découverte mais elles n’ont pas peur, elles semblent plutôt excitées à l’idée de monter à bord. Laurent et Camille installent les enfants en leur transmettant les consignes de sécurité. Eddy assure la prise d’images et un débit de blagues soutenu pour détendre les passagères. Et oui, c’est ça quand on part avec un clown.
La mise en route prend du temps car les 10 avions sont prêts en même temps et le roulage se fait sur ordre de la tour. On en profite pour ajouter quelques explications sur le fonctionnement des commandes et instruments composant l'avion. Le départ est long mais une fois la "machine baptême" lancée, la dynamique est parfaite. Tout le monde est heureux de partager sa passion avec des jeunes et les adultes. Ce moment de communion est magique.

Bonne mine à la sortie de l'avion

Les enfants installés à bord
Smile On
La matinée tient toute ses promesses. Les enfants reconnaissent leurs maisons, leur école. Ils descendent de l’avion avec un sourire jusqu'aux oreilles, et un beau diplôme. Les pilotes aussi ont le sourire. Plaisir d’offrir, joie de recevoir. *

Et de 3, encore une mission accomplie pour Azur 6 !
Côté mécanique, nous devons faire attention à notre potentiel avion. C’est à dire qu’entre deux visites périodiques d’un avion (une révision) un potentiel de 50h est dégagé pour un vol en toute sécurité du point de vue de l’aéronef. La réglementation dit que nous pouvons prendre 10% supplémentaires à ce potentiel si nécessaire. Au-delà, les risques moteurs ne sont plus couverts. Nous avons utilisé une bonne partie de notre potentiel pour venir à Dakar, le trajet retour s’annonce aussi long, il faut donc le garder en tête.

Nous montons donc le cœur léger dans le bus qui nous conduit à la plantation soutenue par l’association IRRIGASC. Cet organisme familial, d’origine française, s’appuie sur l’invention du fondateur, une sorte de chaussette en plastique percée qui permet l’irrigation en profondeur avec peu d'eau. Une fois la plante mise en terre, le système permet de diviser par 10 sa consommation habituelle d'eau dans ce type d’environnement. Cette initiative est soutenue par le Raid Latécoère qui nous propose de la découvrir et partir à la rencontre des villageois qui en bénéficient.

Le bus nous amenant à destination a dû servir à Bob Marley pour ses tournées dans une autre vie. Le reggae dégouline du haut-parleur. Nous sortons de la ville, et nous découvrons à hauteur d’homme le paysage que nous survolons depuis notre arrivée sur le fleuve Sénégal. On se croirait dans Hatari, en plus vert. Plaine herbeuse avec des acacias dont la ramure s’aplatit. Impossible de s'empêcher de sourire tellement ça colle avec la vision de l’Afrique qu’on trimbale tous dans un coin de l’imaginaire. En plus, il fait un soleil radieux, avec un peu de vent, qui rend la chaleur supportable. La journée s’annonçait déjà pas mal, cela a l’air de se confirmer. Le chauffeur baisse de temps en temps la musique et s'arrête sur le côté pour demander son chemin. Là aussi, à l’ère du GPS, nous sentons le sourire poindre aux bords de nos lèvres. Un demi-tour plus tard, nous parvenons à destination. Nous sommes accueillis par l’hymne national du Sénégal interprété par une chorale de villageois. Et on tape dans les mains en cadence s'il vous plaît !
Notre bus sénégalais
A notre arrivée, une grande tonnelle est montée et la moitié du village nous attends dessous. Nous sommes venus dans une plantation d’arbres fruitiers (manguiers et anacardiers) soutenue par le raid. Nous voyons concrètement à quoi servent les dons que nous avons récoltés. En discutant avec les habitants, nous découvrons qu’ils font pousser du riz, en inondant les champs, grâce au fleuve, comme en Camargue. Le climat permet de faire une autre récolte, d’oignons cette fois, dans les mêmes champs. Et à côté, des palmiers dattiers et des arbres à noix de cajou sont prêts à être plantés. Évidemment, il faut arroser. Le fleuve y pourvoit.

On est accueilli chaleureusement. Des tapis ont été mis au sol pour nous permettre de manger tous ensemble, avec des chaises installées tout autour. Le repas est servi dans d’énormes plats dans lesquels nous sommes invités à manger par groupe de 5 ou 6 personnes. Nouvelle expérience culinaire intéressante même si un peu épicée pour la plupart de nos palais.

Repas convivial
Puis les représentants prennent la parole. Le chef du village, le maire, la représentante de l’association des femmes du village, la représentante d’IRRIGASC et enfin notre chef pilote.

Prise de parole officielle
Eddy échange avec des enfants du village
Pour terminer cette rencontre charmante, on nous propose de planter un arbre à proximité d’une gaine IRRIGASC afin de marquer le coup, de concrétiser notre engagement et également de rendre un hommage à nos deux collègues disparus trop tôt.
Nous étions assez fiers de nous après les baptêmes, c’est encore mieux après avoir planté chacun un arbre dans la terre du Sénégal. Nous espérons qu'ils grandiront et donneront de bons fruits par la suite.
Laurent et Eddy plantent un arbre pour le village
La suite de la journée est un retour à l’hôtel où les préparatifs pour les jours suivants se poursuivent. Nous reprendrons le retour vers la France dès demain.

vendredi 27 septembre 2019

Jour 8 et 9 : Dakar et Saint-Louis du Sénégal

Lolo ravi de sa journée de repos
Pour la journée de repos, c’est lessive, rédaction du journal de bord et visite de l'île de Gorée. Il fait très chaud et humide mais c'est un lieu très intéressant à visiter, ne serait-ce que part son histoire.

Marrant : l'embarcadère pour la navette maritime se trouve à côté de la gare de Dakar, et la gare de Dakar fait penser à celle de Vichy. C’est très surfait, l’exotisme. Le bateau nous emmène à Gorée en une petite demi-heure.
Laurent, Camille et Eddy sur l'île de Gorée
La visite guidée laisse des impressions contradictoire. C’est une île sur laquelle poussent des baobabs assez remarquables. Mais ce fût également le point de départ du commerce des esclaves, avec des « captiveries » à tous les coins de rue. L'île a également constitué une forteresse pendant la dernière guerre. C’est aussi un marché de souvenirs et d’artisanat très actif. Tout cela sur une bande de terre de 900 m par 300 m. 




Sur l'île de Gorée
Nous visitons la maison des esclaves, et une bibliothèque, que le raid finance. De belles choses au sommet d’une histoire  terrible. Il est important de se rappeler également cette partie de l'Histoire et la visite organisée par le raid en est l'occasion. La ligne Aéropostale c'est aussi ça, une ligne aérienne chargée d'histoire suivant les pays et lieux qu'elle traverse.

Après la visite de l'île, retour à l'hôtel pour préparer la suite.

Toute l'équipe du Raid Latécoère 2019 à la maison des esclaves
Départ de Dakar le matin, sous un ciel lourd d’orages. L'équipage se sépare : Lolo tâche de régler cette histoire d’huile qui nous gêne comme un caillou dans la chaussure. Camille et Eddy préparent l’avion pour le départ. Lolo achète 8L d’huile, mais ce n’est pas encore exactement la même que celle que le moteur digère d’habitude. Celle-là, c’est de l’huile des pays chauds. Nous ne savons toujours pas si nous allons oser l’utiliser. Nous ne trouvons personne pour nous affirmer que c’est possible. Ou impossible. Nous faisons appel à nos amis en France. Nous avons de quoi aller jusqu'à Nouadhibou. Après, il faudra mélanger. Nos amis nous conseillent de le faire en prenant des précautions : bien faire chauffer le moteur avant d’augmenter le régime. Surveiller la pression d’huile, et la consommation d’huile. En tout cas, nous avons assez d’huile pour rentrer, et moyennant d’avoir des températures moteur élevées, et en Afrique ce n’est pas si rare, le moteur sera bien lubrifié.

Nous retournons à l’embouchure du fleuve Sénégal. Il fait encore plus chaud qu’à Dakar à l'arrivée. Nous avons la consigne de ne pas doubler pendant le transit de Dakar à Saint Louis. Le contrôleur de Dakar a de toute façon intercalé un départ IFR entre notre prédécesseur et nous. Par contre, les avions qui nous suivent sont trop proches et doivent ralentir. La prise de terrain se passe dans l’ordre. Le reste de la journée est libre pour un repos réparateur.

mercredi 25 septembre 2019

Jour 7 : l'arrivée à Dakar

Départ : Nouadhibou GQPP (Mauritanie)
Escale : Saint Louis GOOS (Sénégal)
Arrivée : Dakar GOOY (Sénégal)

Distance : 800 km
Temps de vol :4h30


Le jour se lève sur Nouadhibou mais cela fait déjà un petit moment que nous avons les yeux ouverts.
Nous prenons le petit déjeuner assis en rond sur le tapis. Étape saharienne oblige, on se met à la mode orientale. Nous arrivons à Dakar ce soir, nous avons le cœur léger.

Au retour sur le terrain, nous débâchons l’avion, retirons les mousses de protection d’entrée d’air et libérons les caches des sondes pitot et statiques. Le sable est bien réparti tout autour des protections, nous avons eu raison d'en prévoir plusieurs couches. Le sable est un ennemi redoutable pour l’avion. Dans le moteur, il fait du dégât, et dans les prises d'air, il bouche les conduits, faussant les indications d’altitude et de vitesse. Sur le pare-brise, si on n’y fait pas attention et que l’on passe un coup de chiffon banal, on peut rayer le plexiglas de la verrière et réduire la visibilité. Il faut donc être vigilant.


Azur 6 prêt au départ en Mauritanie
Depuis le sud du Maroc et la Mauritanie, nous avons toujours eu un peu de vent, ce qui nous permet de ne pas cuire sous le soleil du Sahara. C’est toujours le cas aujourd’hui. La caravane se remet en route doucement, nous laissant le temps de monter à la tour nous faire tamponner notre carnet de vol. Nous avons à présent le tampon de Casablanca, de Tarfaya et de Nouadhibou. Le prochain sera Dakar à coup sûr. Les gens ici sont vêtus avec la toge traditionnelle des nomades du désert avec le chèche autour du visage ou un chapeau. C’est différent de notre culture mais ça nous rappelle que nous avons fait du chemin. Discuter avec ces gens ayant une notion du temps différente de la nôtre est très enrichissant.

Nous reprenons la route vers Dakar, Eddy en commandant de bord. 4h30 de vol nous attendent pour rejoindre notre destination du jour. Sur le chemin, nous ne bénéficions plus de vent favorable, nous entrons dans un vent de sable qui perturbe notre champ de vision et qui rend au désert ce qui est au désert. Cela ne va pas faire du bien à notre moteur. 

Le vent de sable, pas très accueillant...
Très peu d’espaces aériens ou zones limitent notre altitude, chaque équipage tente donc une stratégie différente en vol pour éviter les affres du plein soleil convergeant sur la verrière sans ombre et tenter de trouver un courant d’air favorable. Certains montent à 4500ft, d’autres 3000ft et d’autres encore tente 2000ft mais rien n’y fait. Nous ne sommes pas aidés. Pour notre part, nous avons choisi de voler à basse altitude vers 1000ft. 
Vol basse altitude en vent de sable
Certes il fait chaud, certes le moteur aspire beaucoup de sable mais nous avons un bon visuel sur le sol et il est plus facile de lever les yeux vers le ciel pour trouver les copains que de se chercher dans l’espace si on se retrouve en plein dans le nuage de sable. Et puis, nous finissons par trouver un léger vent favorable nous faisant gagner 10kt par moment. Habituellement, nous croisons à 115kt, aujourd’hui avec la chaleur nous avons plutôt une vitesse de l’ordre de 100kt voir 105-110 par moment grâce au coup de pouce de vent. Le vol est parfaitement rectiligne. Nous cherchons à maintenir la vitesse sol. Petites corrections, pilotage de planeur. C’est fatiguant, mais ça paie. Les calculs donnent des résultats favorables pour la destination, Dakar. Nous avons mis Saint Louis en déroutement sur le plan de vol. C’est de la triche : nous nous arrêterons de toute façon, pour boire frais et satisfaire à nos besoins naturels.

La température monte. Le plan tient pour la destination. Le vol se transforme en course d’endurance. Les 3 membres d'équipage surveillent les signaux envoyés par leur corps : soif, chaleur, faim, digestion…
Pas de souci de pose pipi, par contre nous devons boire, beaucoup. Nous perdons plus d’eau que nous n’en consommons. Ce sont les aléas du vol dans le désert.

Ce serait mentir que de vous dire que nous avons eu un vol merveilleux avec un défilé de paysages magnifiques ... nous étions plutôt dans l’ordre du dépassement de soi et de la concentration.

Cela fait plusieurs jours que nous faisons 5h de vol par jour, avec la préparation amont et les briefings ainsi que les rencontres, les journées sont longues et la fatigue s'accumule et se fait clairement ressentir. Mais, dans de telles conditions, il est important de faire un des exercices les plus exigeants, le vol en palier à vitesse constante par visibilité réduite et conditions difficiles. Ce n’est pas facile, surtout pour Eddy qui débute dans le métier, mais il est venu pour ça. Sortir de sa zone de confort pour apprendre et découvrir, ça fait partie des objectifs de ce Raid aérien. Et bien ça tombe bien, c’est maintenant.

Comme prévu, nous ne voyons pas la frontière invisible qui marque le passage du désert à la savane, à l’approche du fleuve Sénégal. Le cerveau met du temps à comprendre qu’il y a de nouveaux des arbres et de l’herbe. Nous passons au-dessus de villages de pêcheurs, le long de la plage, avec des cocotiers. Après 1500 km de sable désertique, nous ne pouvons plus nous en passer. 3h30 plus tard, nous décidons de dérouter sur le terrain de Saint-Louis du Sénégal pour des raisons de confort et historiques. Saint Louis est en vue, nous arrivons au bout de la Ligne. L'aérodrome est contrôlé, nous en profitons pour faire une longue finale opérationnelle. Un peu de frime, nous arrivons dans un bled qui a vu passer des pilotes prestigieux après tout.



Eddy procède à l'atterrissage sur le terrain de Saint-Louis du Sénégal
Il est prévu d’y revenir dans 2 jours, mais l’idée d’aller se poser sur le terrain de départ des grandes traversées de l’Atlantique de Mermoz est irrésistible. Et au passage, on est heureux de sortir s’aérer quelques instants. Enfin, s’aérer est un grand mot, nous sommes de plus en plus près de l’équateur et le climat tropical nous a rattrapé. A l’ouverture de la verrière nous avons une claque de chaleur et d’humidité qui vient nous saluer. Bienvenue au Sénégal !
Notre avion sur le terrain de Saint-Louis
Après quelques minutes de répit, nous repartons vers Dakar. La ville de Saint-Louis et les plages de Dakar sont magnifiques mais nous ne nous éternisons pas, nous y repasserons dans quelques jours plus longuement.

A l’approche de Dakar, l’énorme statue de la Renaissance nous salue et nous nous posons sur l’aéroport international de Léopold Sedar Senghor.

Lolo s’est posé a Tarfaya, Eddy à Saint Louis, Camille à Dakar : tout l’équipage Azur 6 s’est badigeonné de légende.
La statue de la renaissance de Dakar
Pour l’anecdote, le contrôleur aérien nous a demandé de nous presser un peu dans le tour de piste sans aucune raison visible à première vue. Au sol, nous voyons l’avion présidentiel derrière nous. Nous comprenons que nous devions dégager le passage pour Monsieur le Président de la République du Sénégal. Un honneur.

A l'arrivée à Dakar, Eddy a monté un plan pour aller porter la bonne parole des études supérieures, dans un lycée de Dakar. Le prof qui vient nous chercher ne peut s'empêcher de rire quand il nous voit débarquer à 2, alors qu’il est venu avec un bus de 60 personnes. On traverse Dakar à 8 dans un énorme bus, alors que nous croisons des tas de gens entassés dans des petits bus qui ressemblent à la voiture de Bob Marley. Tiens, une stèle à la mémoire de Jean Mermoz. Il y a carrément un quartier qui porte son nom. Difficile d’échapper au raid Latécoère.


Stèle de Mermoz sur un rond point dans le quartier du même nom
Notre contact sur place est M. Simon Goudiaby qui est le responsable des classes préparatoires aux grandes écoles de l’école Sacrée Cœur de Dakar. Notre présence est une initiative Azur 6. L’école Sacrée Cœur est un réservoir de talents sénégalais qui envoie leurs élèves passer leur diplôme d’ingénieur en France. Soit du côté dans La Rochelle ou en Normandie grâce à des accords. L'école d'ingénieurs qui nous concerne est l’ESIGELEC de Rouen. Eddy en est sorti diplômé en 2015 après 3 ans d’études. L’idée de cette rencontre est de créer là aussi un lien entre les étudiants de Rouen et ceux de Dakar qui sont amenés à se retrouver à l’ESIGELEC, le moment venu. Le temps nous manque mais nous allons tout de même dans l’école de Simon.
L'école Sacrée Coeur de Dakar
Dans un amphithéâtre rempli d’une cinquantaine d’étudiants en classe préparatoires, nous sommes attendus sur scène assis à la table, façon conférence de presse. Après les présentations, l’échange débute. Eddy a prévu une présentation de l’école avec des photos et des vidéos malheureusement nous n’aurons pas le temps de les montrer. Nous improvisons un dialogue. L’idée est de raconter comment et pourquoi nous sommes devant eux aujourd’hui et leur parler de leur potentiel futur à l’ESIGELEC. Quelques questions sont posées sur le parcours d’Eddy : est-ce possible de faire pilote et ingénieur ? Qu’est-ce que c’est vraiment un ingénieur ? Est-ce que ça paie bien ? Quelles sont les débouchés ?
La réalité est qu’ils ne font que de la théorie. Pas de pratique car pas de matériel. Ils passent donc des sélections à la fin de leur scolarité pour intégrer l’école. Ensuite, ils sont envoyés dans un pays qu’ils ne connaissent pas dans un environnement différent pour étudier des domaines qu’ils n’ont vus que sur le papier. Et malgré tout, ils arrivent à l’école et ils réussissent leur parcours. L’histoire est prodigieuse. Il est donc tout naturel de les intégrer à la famille ESIGELEC le plus tôt possible et leur parler de ce qui les attend pour les motiver et les rassurer. Leur action est une forme de courage.
L'amphithéâtre où nous avons pu rencontrer les jeunes

Le directeur de l'école, Azur 6, et le responsable de filière M.Goudiaby
Les étudiants semblent ravis de l’entrevue et ils viennent nous saluer à la fin de la présentation avec le plus grand des respect, ce qui ne manque pas de nous toucher. Nous terminons notre visite par un petit tour dans l’école pour observer les installations. Il faut aller raconter et montrer tout ça aux étudiants de l’ESIGELEC pour qu’ils soient conscients de la chance qu’ils ont d’avoir un tel mélange de cultures dans une école.
Simon Goudiaby posant fièrement devant sa classe prépa

Une rencontre au sommet dans son bureau

La salle de classe des prépas
Après ça, nous sommes raccompagnés en taxi par Simon Goudiaby qui nous emmène à l’ambassade française pour une réception donnée en l’honneur du Raid.
Pourris, en combinaison. C'était à parier. Les autres nous rejoignent. On passe la soirée à admirer la baie sur l’escalier monumental, en mâchouillant des petits fours et en discutant avec des cadets de l'armée de l’air sénégalaise. Nous sommes crevés, crasseux, mais très heureux d'être là.
Accueil du Raid à l'ambassade de France au Sénégal
Pour certains, c’est la fin du voyage, pour d’autres, c’est le début du retour. Nous avons une pensée pour les deux d’entre nous qui n’arriveront jamais.



dimanche 22 septembre 2019

Jour 6 : Tarfaya (Maroc) - Nouadhibou (Mauritanie)

Départ : Tarfaya GMAF (Maroc)
Escales : Laayoune GMML (Maroc) et Dakhla GMMH (Maroc)
Arrivée : Nouadhibou GQPP (Mauritanie)

Distance :1000 km
Temps de vol : 5h30

Ce matin du 19/09, on se réveille heureux d’avoir accompli une grande étape de notre voyage. Le réveil dans ce bivouac à l'ambiance nomade du désert nous prolonge le rêve un peu plus longtemps.

Le bivouac au pied du fort de Cap Juby
Coté bonne nouvelle, les carnets de vol de l'équipage Azur 6 s’ornent désormais d’un joli tampon de l'aérodrome de Tarfaya. Une petite blague nous a fait courir nombreux vers une petite cahute au bout de la piste dans laquelle 2 types nous ont vus débarquer sans comprendre. Le tampon était simplement dans la poche de l’ouvreur du raid, qui s’est bien marré.
Côté sujet d'inquiétude, le moteur consomme plus d’huile que prévu, de l’ordre de 0.3 l par heure, la valeur maximale tolérée d'après les mécaniciens. Nous avons de l’huile, achetée à Casablanca  précisément pour faire face à cette consommation inattendue. Les vols courts effectués jusqu’au Maroc nous l’ont un peu masquée, mais là, c’est assez net. Malheureusement, nous risquons de ne pas pouvoir utiliser cette huile, qui n’est pas exactement celle utilisée jusqu'à présent par le moteur. Les avis sur la possibilité de mélanger sont partagés. Oui pour certains, non pour d’autres. Nous restons perplexes, mais résolus à mettre de l’huile dans le moteur s’il en demande. Dussions-nous mettre de l’huile d’olive…Pas de traces de fuite d’huile sur l’avion, assez d’huile du modèle initial pour aller jusqu'à Dakar : nous continuons, le front plissé sur des sourcils un peu froncés.
Notre avion au bord de la piste de Tarfaya
Nous procédons au briefing matinal, nous partons à Nouadhibou aujourd’hui mais avant ça, nous avons une mission. Nous allons à la rencontre de nos chaleureux petits amis de CM2 de l’école Paul Pascon de Laayoune. Et pour cela nous devons partir tôt, nous en informons l’organisation. La couleur est annoncée, nous allons courir après le temps aujourd’hui mais le jeu en vaut la chandelle. Nous partons dans les premiers direction Laayoune. Camille pilote, Eddy copilote et Laurent derrière. Nous décollons de Tarfaya avec une mission précise à la façon des pilotes de l'Aéropostale qui devaient faire passer le courrier coûte que coûte.

Vol bref et sans histoire au-dessus du désert au bout duquel l’oasis de Laayoune nous apparaît. La ville est assez étendue et l’eau semble y être abondante. Tiens, deux mirages F1 marocains qui roulent au point d'arrêt. Démangeaisons dans l’index du spotter, mais nous sommes sur un terrain militaire et on nous a conseillé de ne pas faire d'excentricités.
Survol de Laayoune à l'arrivée
Camille pose F-JRG sur la piste de Laayoune
Sur place, nous nous séparons les tâches pour aller plus vite. Laurent gère le ravitaillement de l’avion, Camille dépose le plan de vol et Eddy prend contact avec l’école pour coordonner le déplacement. Quelques minutes plus tard, nous sommes prêts à partir tous les 3 vers l’école. Nous sommes dans les starting-blocks. L’organisation est prévenue, nous devons viser le départ de la dernière vague, nous avons un peu moins de 2h. Le directeur vient nous récupérer et nous arrivons à l’école sous les yeux étincelants de cette jeunesse marocaine qui se prend à rêver en même temps que nous. Une banderole « Bienvenue Azur 6 » a été accrochée et suspendue au 1er étage pour nous planter le décor. Le chemin jusqu'à la classe de nos amis est riche en rencontres,  beaucoup d’enfants viennent nous voir pour des autographes et pour nous saluer. Ce doit être le prestige de la combinaison de vol car au fond, nous ne sommes guère plus que des enfants comme eux, émerveillés par l’accueil qu’ils nous offrent. 

La cour de l'école OSUI Paul Pascon de Laayoune

Camille surprise devant la banderole d'accueil des enfants

Les élèves de la classe de CM2 sont visiblement heureux de nous revoir depuis Tarfaya
Dans la classe, nous sommes assis tous en rond ensemble avec les enfants qui passent du temps à nous poser des questions sur notre voyage, le pilotage et le temps dans l’avion. Les élèves s’amusent de voir ceux qu'ils considèrent comme des vedettes en chair et en os, plutôt qu’en 2 dimensions sur un écran de télé. Les "vedettes" sont un peu roussies par deux journées à 5 h de vol, au début d’une nouvelle longue journée de vols. Nous n’avons pas beaucoup de temps, mais nous faisons durer le plaisir. Les enfants nous parlent de leur vie dans le désert. Incroyable, ils nous parlent de jardins, de fleurs, alors que l'aridité de l’air chargé de sable nous irrite le nez depuis hier. Ils nous offrent du thé. Là aussi, surprise : ce patelin du bout du monde est réputé dans tout le Maroc pour son thé : 9731% excellent. 
Azur 6 devant la porte de la classe de CM2

Une des élèves nous montre comment on écrit "avion" en langage local
Nous terminons par le tournage d’un petit message vidéo qui nous accompagnera lors de notre retour en France où nous allons le partager avec l’école Jacqueline Auriol d’Istres, l’autre bout du lien, à notre point de départ. La liaison est créée. Des enfants marocains sont liés à des enfants français à notre petite échelle, le temps d’un échange. Ils souhaitent entretenir ce lien et communiquer par Skype ou par courrier avec les jeunes français. C’est noté, nous repartons avec une autre mission, boucler la boucle. C’est une grande émotion et un bonheur absolu pour nous de pouvoir jouer le trait d’union entre ces classes.
Le chef pilote nous rappelle à l’ordre, il est temps de rentrer à l’aéroport de Laayoune. Un grand merci à l’école OSUI Paul Pascon qui nous a permis de réaliser un de nos rêves en partageant toutes ces choses avec leurs élèves.

Nous couchons ce soir en Mauritanie, à Nouadhibou. Nous partons presque en courant, pas fiers de nous. Les bagages en provenance de Tarfaya sont au pied de l’avion, ouf. Mise en route. Roulage. Essais moteur. Décollage. On a 4h00 de vol jusqu'à Nouadhibou, et nous sommes partis vite, trop vite. Ça n’est pas une première sur le raid et nous râlons un peu. La routine du vol reprend le dessus.
Départ de Laayoune avec survol de la rivière à la sortie de la ville
La suite du voyage se déroule paisiblement. Seul bémol, tous les équipages ont oublié de faire tamponner leur passeport pour sortir du territoire marocain, nous devons donc nous poser à Dakhla pour les formalités administratives. Nouveau plan de vol, déposé à l’ancienne, sur du papier. Nous perdons du temps, mais l'avantage d'être partis tôt, c’est que nous gardons une marge confortable par rapport à la tombée de la nuit. En plus, le vent souffle du nord sur le Sahara. Atterrissage turbulent, mais nous avons une vitesse sol pas banale tout en ménageant la mécanique et notre essence. Les terrains de déroutement ne sont pas légions dans le coin. Pour Nouadhibou, c’est Nouakchott. C’est à peine moins loin que de retourner à Dakhla. 



Pose Sandwich en vol au côté du Captain des Com'unmanche : Lolo Lafayette

Lolo pose l'avion à Dakhla
Nous repartons dans la foulée, direction Nouadhibou. Le défilé du désert évoluant sous nos ailes reste spectaculaire. La roche jaune parsemée de collines et de vallons laisse place aux dunes de sables si typiques de l’image du désert que nous nous faisons. Les falaises vers l’océan restent bien découpées façon biscotte que l’on a cassée. On ne se lasse pas de ce paysage qui rend humble face à cette immensité sableuse.

Les côtes Mauritaniennes
L’arrivée à Nouadhibou se passe sans problème et nous arrivons avec une heure de moins encore. Nous sommes à présent synchronisés sur l’heure universelle (UTC), celle utilisée en aéronautique. Nous avons 2h en moins par rapport à la France.

Camille pose notre avion à Nouadhibou
Au sol, nous inspectons notre moteur qui semble consommer un peu trop d’huile à notre goût. Sur consultation des mécanos, c’est normal, notre moteur n’est pas tout jeune, pas de fuite c’est juste de la gourmandise. Il est vrai que jusqu’à maintenant, il démarre au quart de tour mais nous le garderons tout de même à l’œil. Dans le pire des cas, nous nous sommes entraînés à dessiner des moutons, si besoin...


Inspection du niveau d'huile de fin de journée, on y tient à notre moteur, surtout quand on en a qu'un !