jeudi 3 octobre 2019

Jour 15 : Le dernier jour

Départ : Sabadell LELL (Espagne)
Escale : Béziers LFMU (France)
Arrivée : Berre la Fare LFNR (France)

Distance : 400 km
Temps de vol : 2h30


Le jour du retour est riche d’émotions puissantes et contrastées. Les au-revoirs sur le tarmac de Sabadell mêlent la joie de rentrer à la tristesse de quitter une si bonne compagnie. Ces au-revoirs sont d’autant plus éprouvants qu’ils se prolongent.

Dernier rassemblement du matin pour briefer la journée
Le trafic du samedi sur l’aérodrome de Sabadell doit être déjà assez dense le reste de l'année mais là cela bouchonne sérieusement. Avec les avions du raid Latécoère à faire partir, on dirait le périphérique. Les premiers sont déjà à Toulouse que nous continuons à agiter nos chasubles de piste pour saluer le départ des suivants.
La haie d'honneur pour le départ
Les plus rapides sont partis devant. Nous faisons partie de la dernière vague.
Nous avions prévu de pique-niquer à Béziers mais nous cassons finalement la croûte à Sabadell, pour passer le temps.

Laurent, dessine-nous...
Atelier personnalisation du sticker de l'équipage pour passer le temps, slogan de l'équipage "In Scotch Alu, we trust!"

Notre tour arrive, nous décollons. D’habitude, on associe la patience à l’Orient. Grands espaces et peuples taciturnes. C’est l’impression que nous laissera l’Espagne, du moins en ce qui concerne les vols VFR. Nous passons Port-Bou, Cerbère, Banyuls et Collioure et nous sommes de retour dans un espace plus familier.
La Camargue, tel qu'on l'aime
Une petite pause à Béziers s'impose pour un petit coucou à la douane. 
Tiens, nous retrouvons des copains du raid, qui se sont arrêtés à Perpignan. Encore un au-revoir. Nous mettons le cap sur la destination que nous avons choisie pour notre voyage. L’avion vient de Champagne, Eddy et Laurent vivent et travaillent autour de l’étang de Berre, Camille est en train de s’installer à l'autre bout de la France…Il fallait bien trouver un terme à  notre périple, ce sera l'aérodrome de Berre-la Fare. 

Des amis de l’aéro-club sont venus nous attendre, malgré notre retard.
La famille de l'Aéroclub Louis Bonte en comité d'accueil pour notre arrivée, Merciiiiiiiiiii !!!!!!
Notre pauvre piste, qui serait en herbe s’il pleuvait, mais qu'il serait plus juste de qualifier de "en cailloux", paraît bien chétive après les belles pistes en dur que nous avons connues. Le bruits des roues sur la piste caillouteuse est délicieusement familier. Les copains nous arrosent avec le tuyau qui sert à laver les avions, façon arrivée du Normandie à New York. Essence fermée, contacts coupés. Le voyage n’est pas tout à fait fini, puisqu'il faut encore ramener l’avion en Champagne. Mais l'équipage est de retour. Sourires. La routine du quotidien évite de s’attendrir car il faut s’occuper de l’avion, récupérer les bagages, prendre des trains, faire à manger, etc… Sur demande de la foule en délire, ou presque, Camille sort une dernière fois le ukulélé pour entamer un petit morceau sur l'aile du RG, à l'abri dans le hangar. Quelques notes de musique pour prendre le temps de savourer l'arrivée.

Dernière petite berceuse pour la route
Quel voyage extraordinaire ! 9000 km, 5 pays traversés, 52 h de vol, à 3 avec 65 kg de bagages dans un habitacle de bois d’1 m de large par 2 m de long... Nous avons de la peine à réaliser et à redescendre de notre petit nuage, l'atterrissage va peut-être prendre un peu de temps finalement...

Mission accomplie pour Azur6 !
Le lendemain, les vols reprennent, en local cette fois. Vous croyiez peut-être que nous en aurions marre après 50h et 15 jours de vol ? C'est assurément mal connaître l'équipage Azur 6 !

Jour 14 : Survol de l'Espagne

Départ : La Axarquia LEAX (Espagne)
Escale : Teruel LETL (Espagne)
Arrivée : Sabadell LELL (Espagne)

Distance : 840 km
Temps de vol : 4h30


Aujourd’hui est la dernière étape officielle du Raid. Nous partons de La Axarquia pour rejoindre Sabadell (Barcelone) par Teruel ou La Requena, ce fameux terrain que l’on a briefé 2 ou 3 fois sans se poser à l’aller. Le briefing matinal nous dit que nous n’irons définitivement jamais à La Requena car notre escale technique sera Teruel. 

Briefing matinal au départ de LEAX
Ce terrain est particulier car il possède une très grande piste (3km) avec un cimetière d’avions qui viennent se faire démanteler. Il devrait être facile de le repérer. Nous aurions pu tenter de rejoindre Sabadell sans escale mais nous optons pour un arrêt à Teruel, pour augmenter nos marges, visiter l’Espagne que nous n’avons pas beaucoup eu l'occasion de voir à l’aller, répartir équitablement les heures de vol entre les 3 pilotes d’Azur 6 et nous dégourdir les jambes en plus d'une pause "fraîcheur".


On décolle à 11h40 pour environ 2h30 de vol. Il fait un temps splendide sur l’Andalousie et la Castille. Paysages de westerns très photogéniques.



L’arrivée est très calme, l’avion précédent s’est déjà posé depuis un certain temps. La piste est effectivement très longue et le cimetière d’avions visible de loin. Au sol quelques-uns de nos amis attendent près de la pompe. Certains perdent même patience, probablement car ils ont oublié que malgré la nonchalance du pompiste, nous sommes en pause dans un bel endroit et que notre seul contrainte est de se poser à Barcelone avant le coucher du soleil (soit 6h plus tard) pour un vol de 1h30 restant. Autant dire que nous avons le temps.

Lolo en mode Marseillais "quoi ? elle est où mon essence?"

Un liner entrain de se faire dépoiler
Finalement au bout d’une heure, nous sommes servis et redécollons vers notre destination.



Nous finissons par arriver à  Sabadell sous un plafond qui descend, moins vite que nous, heureusement. Nous faisons néanmoins particulièrement attention aux reliefs et aux TMA de classe A de Barcelone qui ceinturent la zone.
Comme nous sommes repartis les premiers d'une série d'avions, à savoir plusieurs DR400 aux performances semblables aux nôtres, nous nous improvisons leader de l'escadrille des "Papa Juliets" (comprendre le avions ayant les lettres PJ dans leur immatriculation) et nous leur donnons par radio nos observations météo afin qu'ils aient une idée précise de ce qui les attend.
Nous nous présentons en longue finale au-dessus de la ville à  Sabadell. On nous avait parlé d'une "petite" étape de base mais cela devait être un euphémisme car, de la direction où nous sommes arrivés, la contrôleuse nous a immédiatement autorisé à nous intégrer en finale, ce que nous avons fait sans changer de trajectoire. Nous atterrissons et roulons au parking où nos amis ont déjà parqués leurs avions. Il commence à être bien rempli, ce parking ! D'ailleurs, on nous demande de garer notre avion...tout au fond ! C'est raté pour moins marcher cette fois-ci.
L'escadrille des "Papa Juliets" à l'arrivée à Sabadell
Un titan nous attend à notre arrivée à Sabadell
Nous sommes presque rentrés. C’est l’heure des bilans et, déjà, des au revoirs. Des discussions animées à la manière des pilotes ont lieu à chaque table : avec un verre dans une main, pour que l’autre main puisse retranscrire la trajectoire de l’avion. On se tient chaud une dernière fois, avant de s’éparpiller. Le dîner est un joyeux chahut où l'émotion est palpable. Plus que jamais, l'esprit de grande "famille" du Raid résonne et touche chacun. On s'échange des photos et des numéros. 
Le chef-pilote pris au piège pour un discours à l'impro avant manger
Un équipage suisse qui a dû laisser un avion en panne, suite à un souci mécanique, dans le sud du Maroc nous a rejoint xprès pour l'occasion. Tout le monde est ravi. La famille est presque au complet, nous pouvons rentrer.

Le retour est prêt. Nous serons à la maison dans l'après-midi du lendemain



Jour 13 : Au revoir l'Afrique, bonjour l'Europe !

Départ : Essaouira GMMI (Maroc)
Escales : Tanger GMTT (Maroc) et Grenade LEGR (Espagne)
Arrivée : La Axarquia LEAX (Espagne)

Distance :960 km
Temps de vol : 5h30


Ce matin nous sommes à Essaouira. Le petit déjeuner est jovial, l’idée de rentrer en Europe après avoir fait tout ce chemin nous plaît bien.

Nous partons au terrain en taxi 4 par 4 pour d’abord passer les contrôles puis effectuer la sortie du territoire. C’est amusant, nous passons les mêmes contrôles que le transport commercial à ceci près que les restrictions des liners ne s’appliquent pas à nous (contenant de 100ml, objet tranchant, ...).

Le passage de sortie du territoire se fait aussi simplement.

Azur6 à l'aéroport d'Essaouira
Sur le tarmac, nous prenons le temps de préparer la machine et de tout ranger. Au bout de 12 jours, nous commençons à n'être pas mauvais au jeu du Tetris Les automatismes sont bien présents. Une fois prêts, nous décollons piste 34 avec Camille aux commandes et Eddy en copilote afin de préserver notre grand sage.

Le soleil tape, Eddy se protège comme il peut
Il faut plus de 3h, malgré un peu de vent favorable en altitude. A 6500 ft, le vol est tranquille. Nous emmagasinons des images et des souvenirs de cette région. La route se fait tranquillement, nous évitons les zones militaires actives de Guelmine juste avant Casablanca par des points de cheminements VFR existants au Maroc. L’ensemble est très bien balisé et nous testons régulièrement les aptitudes des contrôleurs aériens à notre passage à 20 avions, cela demande de l’organisation et de la compréhension. Il nous est demandé de faire des messages radios clairs et concis.



Une fois Casablanca passé et le trait de côte rejoint, 2 autres avions nous rejoignent. Ce n’est pas exactement du vol en patrouille, nous gardons un espacement confortable, mais nous volons en groupe, à 3, dans la même direction. Le tout sous les ordres de Bernard, le 4ème larron qui apparaît derrière. Il propose de nous positionner de manière à remonter la file et nous prendre en photo avec le paysage. Le deal est alléchant, Camille se concentre, nous communiquons abondamment entre nous sur 130.0, la fréquence opération, et nous nous retrouvons en formation de 3 avions en triangle alors que le 4ème tourne autour de nous à la manière d'un photographe sur fond de plages marocaines. On reconnaît bien là l'ancien pilote militaire. Après tout, il n’est pas dans l’organisation du Raid pour rien.

Le moment est fabuleux. Les pilotes se régalent, les photographes aussi. Nous nous fabriquons des souvenirs inoubliables. Ça dure l’espace d’une quinzaine de minute, tout est dans notre caméra et un bon nombre de photos dans les 3 autres avions. Et hop, c’est déjà le moment d’atterrir.

Nous arrivons enfin à notre escale à Tanger où nous avons dilaté la patrouille pour procéder à une intégration à la queue leu leu. C’était sans compter la nonchalance d’autres participants. Une fois en vent arrière bien maîtrisée où nous arrivons tous les 4 bien espacés, un avion nous coupe littéralement la priorité et se pose en plein milieu de notre groupe. Ce qui nous déstabilise et crée une confusion dans le contrôle du terrain. Grâce au professionnalisme des pilotes et des contrôleurs, ça se passe sans trop de désordre, même si nous passons des minutes intenses avant que la sérénité ne revienne en finale. Ça n’est vraiment pas facile de faire poser plusieurs dizaines d’avions dans le même créneau horaire. Les bouches sont un peu sèches après l'atterrissage, et pas parce que nous sommes aux portes de désert….

La côte menant à Tanger
À Tanger, pas le temps de frimer, on refuel et on se met aux ordres du leader. Les nouvelles sont mauvaises, la douane espagnole prévue sur le terrain non contrôlé de notre destination a décidé de nous faire faux bond. Nous devons passer par Grenade avant d’aller à notre destination pour passer les formalités douanières. Nous devons rejoindre finalement La Axarquia où nous attendent les bus qui nous conduiront à l'hôtel.  Le plan change plusieurs fois. Décidément les espagnols nous en font voir de toutes les couleurs jusqu’au bout. Le VFR n’est décidément pas apprécié dans ce pays.



Le briefing se fait en direct sous une aile de Cessna qui nous abrite du soleil ... quoi que ... à 30 sous une aile de Cessna... le carré d'ombre est cher.

Là encore on sent que l’habitude est créée et que nous devenons un peu plus expérimentés. Nous maîtrisons notre stress de partir sans maîtriser notre trajectoire car nous savons désormais nous adapter et nous partons avec un groupe avisé et soudé. Nous repartons en toute confiance. Malheureusement en dernière position. Le temps passe et nous recommençons à compter les heures avant le coucher du soleil.



Eddy passe pilote avec Laurent en copilote. C'est le moment de la traversée du détroit de Gilbratar. Nous quittons le terrain par la vent arrière puis direction la côte pour passer le détroit au large des zones P. Les gilets sont de rigueur lors d’une traversée comme celle-là. On nous demande de rester à 2500ft jusqu’au large des côtes Marocaines puis de monter au FL085 pour redescendre rapidement après et nous poser à Grenade. On se regarde longuement entre 3 paires d’yeux quand on entend à la radio la requête de monter si haut. Ils nous prennent pour des Airbus ou quoi ?! La machine va-t-elle pouvoir le faire ? Avec la chaleur, ça fait deux jours que nous peinons à grimper jusqu’au FL065 et là on nous demande de monter 2000ft plus haut. Nouveau challenge. Eddy maintient le cap et l’avion en montée tout en surveillant la vitesse alors que Lolo garde un œil sur le moteur et se bat avec le contrôle espagnol pour annoncer notre position. Camille guette les trafics et nous guide avec son GPS. C’est une tâche assez dure pour notre avion, qui surmonte l'épreuve vaillamment. Il ne monte pas bien rapidement, mais surement et nous passons au-dessus de la piste de Malaga à l’altitude exigée avec un maximum de dignité.

Passage de Gilbratar, continent Africain

Passage de Gilbratar, continent Européen

Nous prenons vraiment du plaisir en vol. La mécanique Azur 6 est maintenant bien rodée. On en profite plus qu’à l’aller dans les mêmes conditions.

Une fois la côte Espagnole rejointe, nous passons un premier massif puis nous engageons notre descente vers le terrain de Grenade. Notre vol ressemble furieusement à celui de l’Airbus Zéro G, c’est une trajectoire parabolique ... mais sans l’apesanteur.

La montée au FL085, ça donne ça
L’intégration se fait aux ordres du contrôle qui nous fait orbiter en fin de vent arrière pour poser un Boieing de la compagnie Vueling avant nous à contre QFU (le contrôleur veut nous faire poser dans l'autre sens, après lui). A priori, ce n’est pas inhabituel pour les avions de ligne qui procède essentiellement aux instruments et en atterrissage direct . Vient notre tour et Eddy effectue un posé digne d'un 747 sur cette grande piste bitumée.
Laurent semble satisfait de l'atterrissage de son jeune padawan
Le moment de passer à la douane est arrivé. Un véhicule nous attend au pied de notre avion pour nous emmener directement à la douane. Il se fait tard, le personnel de l’aéroport et de la douane doivent avoir envie de rentrer chez eux car ils nous contrôlent à la vitesse grand V. Juste un sac par personne et le passeport. Un sac à dos suffira et on ne nous demandera même pas de passer au portique après avoir contrôlé notre passeport. En 10 min, c’est plié. On retourne à l’avion où la caravane du Raid s’est déjà remise en route. Nous partons chacun notre tour à la suite pour enchaîner les départs.

Il nous reste environ 1h15 avant le coucher du soleil. Lolo et Camille commencent sérieusement à douter de la faisabilité de cette dernière portion jusque La Axarquia où nous attendent notre hôtel et l’aéroclub du coin. Eddy, dans son éternel optimisme, est convaincu du contraire. Et ça tombe bien car c’est lui qui conserve les commandes pour terminer cette journée de vol. Après avoir laissé passer 2 autres avions de ligne à l’atterrissage, nous redécollons de Grenade.
Il nous reste à peine 60 min. Le terrain n’est qu’à 20min de vol de Grenade mais le trafic est dense pour y arriver, nous allons tous y être en même temps, il faut être prudent et de l’attente n’est pas impossible. Après la montée initiale, léger virage à gauche vers le point S de LEGR pour sortir de la CTR puis cap sur le point PV d’entrée dans celle de La Axarquia. Nous sommes à 4500ft quand nous franchissons les reliefs entre les deux zones. Un lac apparaît, c’est le point PV. Visiblement, pas trop de trafic. On franchit la dernière petite colline avant d’apercevoir le terrain et de procéder par la verticale, puis une intégration en vent arrière main droite pour la 12. Nous sommes en auto-information et le trafic précédent est au toucher des roues. Tout va bien.



Azur 6 immobilise l’avion sur le parking avec 30 minutes de marge par rapport à la nuit aéronautique (30 mn après le coucher du soleil). L’avion de l’organisation ferme la marche et atterrit quelques minutes avant le coucher du soleil. Nos anges gardiens sont essoufflés. Un avion est resté en panne à Grenade. Ensuite, nous campons les avions avec le sourire. Nous avons encore réussi à chiper sa tartine au tigre. Une fois encore, l’expérience acquise pendant ces 2 semaines nous a été plus que profitable quand on repense à la situation similaire que nous avions traversée 7 jours plus tôt, à l’aller, à l’arrivée au Maroc, et où le coucher du soleil nous avait déstabilisé. La leçon retenue est de ne pas stresser plus que nécessaire.
Laurent regardant vers l'horizon au coucher de soleil, comme pour montrer sa trajectoire depuis Dakar

Notre avion a fier allure sous ce coucher de soleil
L’intendance s’est bien un peu déréglée, à cause de notre retard, mais c’est secondaire. Une boisson fraîche et quelques airs de ukulélé pour patienter et le tour est joué. Nous sommes presque tous là, et nous sommes tous en sécurité sous les étoiles bien qu'assez fatigués. 

Il est presque 22h quand nous arrivons à l'hôtel pour grignoter un morceau, tirer le rideau sur la journée et réaliser que nous avons dit au revoir à l'Afrique et bonjour (ou plutôt bonsoir) à l'Europe aujourd'hui !.




Jour 12 : Traversée du Maroc

Départ : Dakhla GMMH (Maroc)
Escale : Tan Tan GMAT (Maroc)
Arrivée : Essaouira GMMI (Maroc)

Distance : 1200 km
Temps de vol : 6h


La route du retour nous fait longer les côtes marocaines de Dakhla, à l'extrême sud du pays, jusqu'à Essaouira, située au nord d’Agadir. L'étape est longue, 611 Nm, impossible à faire d’une traite pour la plupart de nos avions. Avec un ravitaillement, les avions risquent d’arriver après le coucher du soleil, si les opérations au sol traînent un peu. Notre avion a de grands réservoirs, mais ne fait pas partie des plus rapides. Nous optons pour un ravitaillement le plus loin possible de notre point de départ. Ce sera Tan-Tan, en plein désert. Nous y sommes d'ailleurs passés à l’aller.

Notre vitesse de croisière s'avérant plus faible que prévue avec 65 % de la puissance, nous obtenons de partir avec les avions de la vague des moins rapides pour prendre un peu d'avance. Nous volerons à 6500 pieds, altitude à laquelle nous espérons du vent favorable.
En outre, nous allons croiser les avions du raid Toulouse-Saint  Louis en route vers le sud, à peu près à mi-chemin. Les vents favorables pour eux sont plutôt à 500 pieds. Nous devrions donc nous croiser sans interférer les uns avec les autres en l’air, dans une région faiblement équipée en radar de surveillance. Au sol, les avions venant du sud croiseront forcément ceux qui viennent du nord à Laayoune, ville-étape pour les deux raids. Comme le trafic risque d'y être particulièrement dense, nous préférons éviter l'étape de Laayoune, l’autonomie de notre avion nous permettant d’atteindre Tan-Tan, plus au nord. C’est juste un peu plus long pour l'équipage de la première branche, près de 4h00, si le vent n'est pas trop défavorable.
Le plan marche très bien sur la première branche. Un léger vent du sud, de l’ordre de 10 nœuds nous permet de ramener l'étape à 3h30, au prix d’un peu d’attention sur le réglage de la croisière : compensation, réglage de la richesse du mélange air-essence, petites altérations de trajectoire, le pilotage de performance est affaire de précision. Sans parler d’une montée savamment calibrée jusqu'à 6500 pieds. En effet, il fait très chaud, l’avion ne monte pas très vivement et le moteur, lui, chauffe facilement. Toutes ces contraintes donnent naissance à un vol techniquement exigeant en concentration, alors qu’il n’y a objectivement pas grand chose à faire normalement en croisière, à part profiter du paysage, se désaltérer et se nourrir. A conditions exceptionnelles, efforts exceptionnels.

Nous avons le temps de graver sur notre rétine des paysages minéraux sous un ciel sans nuage sauf des nuages bas poussés par le vent au-dessus de l'océan qui envahissent bientôt le désert côtier que nous survolons, quasiment jusqu'à la destination, confirmant ainsi les prévisions météo avec lesquelles nous sommes partis.

Quelques nuages bas
La durée de l'étape, plus de 3h00, nous permet d’attendre que l'évolution de la température au sol fasse disparaître ces stratus. Les avions de l'organisation partis en éclaireurs disposent de la vitesse et de l’autonomie pour informer le reste de la caravane de cette évolution. Si bien que malgré des prévisions assez défavorables au départ pour le vol à vue, tous les avions qui le peuvent se posent à Tan-Tan, terrain isolé sans rien autour à moins d’une heure de vol, sans avoir à dérouter ni remettre le vol. Nous avions réfléchi à cette façon de diminuer les risques sur ces étapes-marathon lors de la préparation du raid. Voir la méthode fonctionner comme une mécanique bien huilée sous ses propres yeux à 2000 m et 220 km/h au dessus du Sahara est proprement jubilatoire. Alors, on jubile.

Un avion de l’organisation, plus rapide, rassemble sur nous pour quelques minutes de photos en patrouille, alors que le pilote du F-PJRG casse la graine. Il lui faudra récupérer les photos qu’il n’a pas pu prendre : on ne photographie pas la bouche pleine. Rassurez-vous, les commandes étaient solidement tenues par le copilote à ce moment-là.


Petit coucou de notre ami militaire
Une arrivée rapide à Tan-Tan sans coup férir conclue le genre de vol qui réjouit le cœur du pilote.  Le VFR en avion léger a ses limites mais quand ça marche, ça vous laisse avec le même sourire que quand vous chipez la tartine du lion dans sa cage au jardin des plantes.

Arrivée à Tan-Tan
La deuxième branche, vers Essaouira, est plus courte, avec des conditions météo d'après-midi estivale. Le vol est malgré tout assez exigeant pour le pilote, s'il veut optimiser le temps de vol. Les photos sont superbes.


Ce ne sont pas des vagues ... d'eau !
Tout les avions se retrouvent en même temps sur des trajectoires vers une longue finale, guidés par le contrôle, une fois n’est pas coutume. C’est brièvement un peu chaotique, mais tout le monde se pose en sécurité. Là aussi, nous sommes dans les limites du VFR pour avion léger. Difficile de gérer des écarts entre des avions qui ont presque les mêmes vitesses, peu de moyens pour changer ces vitesses de manière significative, et sur des terrains peu équipés. Nous rentrons bien fatigués. Demain, nous laisserons le Maroc derrière nous et retournerons en Espagne. L'arrivée se rapproche.


Azur 6 devant la tour de contrôle de l'aéroport d'Essaouira-Mogador


mardi 1 octobre 2019

Carte du périple


Voir en plein écran

Légende de la carte :

Épingles orange : étapes et escales à l'aller  
Points bleus : étapes et escales au retour

samedi 28 septembre 2019

Jour 11 : Retour vers le Maroc

Départ : Saint Louis GOOS (Sénégal)
Escale : Nouadhibou GQPP (Mauritanie)
Arrivée : Dakhla GMMH (Maroc)

Distance : 1000 km
Temps de vol : 5h30

Ce matin on se lève à l’Hôtel de La Poste de Saint Louis, repère historique des pilotes de "la Postale". Tout le monde s’active pour quitter l’hôtel et prendre la direction du terrain. La journée est longue.
Le légendaire Hôtel de la Poste, escale régulière des pilotes de l'Aéropostale

Salle de restaurant, ancien cinéma de Saint-Louis

Superbe décoration avec une des citations les plus célèbres de Jean Mermoz
Ce soir, nous devons dormir à Dakhla au Maroc. Il va donc nous falloir traverser toute la Mauritanie.
Alors qu’à l’aller nous avons bénéficié de vent porteur à basse altitude, il nous faut donc monter cette fois-ci pour attraper les courants favorables. La météo est claire, il faut monter au moins au FL045 pour ne pas avoir de vent de face. Cependant nous avons pu observer que notre avion n’est pas un foudre de guerre en haute altitude, il va falloir composer avec ça pour maximiser les performances.

Le trajet prévu est de partir de Saint-Louis, s'arrêter à Nouadhibou (380 Nm, 3h45 environ), pour y ravitailler puis repartir en direction de Dakhla (150 Nm, 1h10 environ). Le début du trajet se fera à basse altitude jusqu'à Nouakchott puis nous monterons au FL045 pour la suite. Une attention particulière est portée à la brume de mer qui peut envahir Dakhla à tout moment, en quelques minutes. Dans ce cas, il faut rebrousser chemins et dérouter à Nouadhibou. Dakhla est considéré comme un terrain isolé, il faut donc réglementairement arriver sur place avec au moins une heure de "pétrole" de réserve. La fameuse réserve finale obligatoire que l’on nous enseigne pendant le PPL. Nous garderons l’œil également sur le vent de sable annoncé.
Le vent de sable guette notre passage
Pendant le vol, tout se déroule mieux que prévu. Le visibilité est très bonne, le ciel dégagé et aucune présence d’entrée maritime à l'horizon. Oui, il y a du vent de sable, mais le phénomène reste contenu dans les basses couches. De plus, le fait de voler haut avec une bonne visibilité facilite le transit.
Pause sandwich pour Camille, qui a laissé momentanément les commandes à Laurent à droite
En ce qui concerne le paysage, les rives du fleuve Sénégal, inondées comme il se doit font imperceptiblement place au désert au moment de passer la frontière mauritanienne. La brume d’eau est remplacée par la brume de sable. Le vent du sud qui nous a poussé vers la Mauritanie mollit en passant Nouakchott. Nous essayons de monter pour trouver un vent plus favorable. C’est à peine mieux, mais il fait plus frais, ce qui est toujours agréable dans le cockpit.

Le ravitaillement à Nouadhibou est très efficace. On se répartit les taches : certains gèrent le fuel et d’autres les plans de vols ainsi que les formalités administratives. 45 min après notre atterrissage nous sommes de nouveau en l’air en direction de Dakhla : nous commençons à être rodés !


Alors que Camille a opéré la descente jusqu'à Nouadhibou, Laurent prend le manche pour le vol à destination de Dakhla avec Eddy en copilote. Ici encore, le vol se déroule bien au détail près que le vent n’est ni défavorable ni favorable. Notre vitesse sol dépasse à peine les 100kt.

Petit moment détente au-dessus des côtes africaines
Nous concluons le vol par une longue finale avec le vent du nord qui forcit. L'arrivée est assez opérationnelle, mais, avec 30 kts de vent de face, nous ne concurrençons pas le Concorde. L’atterrissage se passe bien. Nous nous sommes rapprochés de 1000 km de la maison. Le vent souffle effectivement très fort une fois la verrière ouverte. Ça change du climat étouffant, car chaud et humide, du Sénégal.

Nous passons des minutes intenses á essayer de protéger l’avion contre le sable ainsi qu'à remplir les réservoirs de carburant de l’avion, avec un vent du diable. Les commandes sont bloquées, l'avion est campé et protégé. Nous pouvons aller nous reposer après cette étape-marathon...avant la suivante !

L'avion campé, prêt à passer la nuit


Jour 10 : Moments de partage à Saint-Louis

Ce matin nous partons tôt au terrain de Saint Louis du Sénégal.

Aérodrome de Saint-Louis, vu de la tour de contrôle
L’activité de la matinée est de proposer des baptêmes de l’air à des enfants. Cela représente environ 60 enfants, dont la moitié viennent d'un orphelinat de Saint-Louis et l’autre moitié sont les enfants du personnel de l’aérodrome qui nous accueille. 10 avions se sont proposés pour effectuer des baptêmes dont notre équipage. Nous opérerons 3 rotations pour emmener les enfants 2 par 2. Le plan est de faire un grand tour de piste bien espacé pour réguler les 10 avions qui vont tourner.

Briefing de préparation des baptêmes
Dans l’avion, 2 enfants et le binôme pilote/copilote avec Laurent, et sa casquette d'instructeur, à chaque rotation. En effet, nous choisissons d’appliquer les règles des vols découvertes de France afin d’assurer la sécurité. Camille et Eddy se relaieront à côté de Laurent pendant les 3 tours.

Ce moment de partage est réalisé avec le soutien de nos partenaires, notamment la Normandie et ESIG'Aéro
Eddy et Laurent prêts pour le second tour
 Les enfants ne sont pas complètement tranquilles quand ils montent dans l’avion. La météo est tropicale. Chaude et humide, nous nous sentons comme dans une couscoussière. Des petits cumulus à 1200ft, avec les cocotiers à l’horizon, de l’autre côté du fleuve, voilà le tour d'horizon. Même pour un amphi-cabine, ce serait presque paradisiaque. Et nous allons voler. Nous sommes à l’aube d’un grand moment d’aviation, pour les enfants, et pour les pilotes.

Nous accueillons dans un premier temps deux jeunes filles pour qui l’avion est une découverte mais elles n’ont pas peur, elles semblent plutôt excitées à l’idée de monter à bord. Laurent et Camille installent les enfants en leur transmettant les consignes de sécurité. Eddy assure la prise d’images et un débit de blagues soutenu pour détendre les passagères. Et oui, c’est ça quand on part avec un clown.
La mise en route prend du temps car les 10 avions sont prêts en même temps et le roulage se fait sur ordre de la tour. On en profite pour ajouter quelques explications sur le fonctionnement des commandes et instruments composant l'avion. Le départ est long mais une fois la "machine baptême" lancée, la dynamique est parfaite. Tout le monde est heureux de partager sa passion avec des jeunes et les adultes. Ce moment de communion est magique.

Bonne mine à la sortie de l'avion

Les enfants installés à bord
Smile On
La matinée tient toute ses promesses. Les enfants reconnaissent leurs maisons, leur école. Ils descendent de l’avion avec un sourire jusqu'aux oreilles, et un beau diplôme. Les pilotes aussi ont le sourire. Plaisir d’offrir, joie de recevoir. *

Et de 3, encore une mission accomplie pour Azur 6 !
Côté mécanique, nous devons faire attention à notre potentiel avion. C’est à dire qu’entre deux visites périodiques d’un avion (une révision) un potentiel de 50h est dégagé pour un vol en toute sécurité du point de vue de l’aéronef. La réglementation dit que nous pouvons prendre 10% supplémentaires à ce potentiel si nécessaire. Au-delà, les risques moteurs ne sont plus couverts. Nous avons utilisé une bonne partie de notre potentiel pour venir à Dakar, le trajet retour s’annonce aussi long, il faut donc le garder en tête.

Nous montons donc le cœur léger dans le bus qui nous conduit à la plantation soutenue par l’association IRRIGASC. Cet organisme familial, d’origine française, s’appuie sur l’invention du fondateur, une sorte de chaussette en plastique percée qui permet l’irrigation en profondeur avec peu d'eau. Une fois la plante mise en terre, le système permet de diviser par 10 sa consommation habituelle d'eau dans ce type d’environnement. Cette initiative est soutenue par le Raid Latécoère qui nous propose de la découvrir et partir à la rencontre des villageois qui en bénéficient.

Le bus nous amenant à destination a dû servir à Bob Marley pour ses tournées dans une autre vie. Le reggae dégouline du haut-parleur. Nous sortons de la ville, et nous découvrons à hauteur d’homme le paysage que nous survolons depuis notre arrivée sur le fleuve Sénégal. On se croirait dans Hatari, en plus vert. Plaine herbeuse avec des acacias dont la ramure s’aplatit. Impossible de s'empêcher de sourire tellement ça colle avec la vision de l’Afrique qu’on trimbale tous dans un coin de l’imaginaire. En plus, il fait un soleil radieux, avec un peu de vent, qui rend la chaleur supportable. La journée s’annonçait déjà pas mal, cela a l’air de se confirmer. Le chauffeur baisse de temps en temps la musique et s'arrête sur le côté pour demander son chemin. Là aussi, à l’ère du GPS, nous sentons le sourire poindre aux bords de nos lèvres. Un demi-tour plus tard, nous parvenons à destination. Nous sommes accueillis par l’hymne national du Sénégal interprété par une chorale de villageois. Et on tape dans les mains en cadence s'il vous plaît !
Notre bus sénégalais
A notre arrivée, une grande tonnelle est montée et la moitié du village nous attends dessous. Nous sommes venus dans une plantation d’arbres fruitiers (manguiers et anacardiers) soutenue par le raid. Nous voyons concrètement à quoi servent les dons que nous avons récoltés. En discutant avec les habitants, nous découvrons qu’ils font pousser du riz, en inondant les champs, grâce au fleuve, comme en Camargue. Le climat permet de faire une autre récolte, d’oignons cette fois, dans les mêmes champs. Et à côté, des palmiers dattiers et des arbres à noix de cajou sont prêts à être plantés. Évidemment, il faut arroser. Le fleuve y pourvoit.

On est accueilli chaleureusement. Des tapis ont été mis au sol pour nous permettre de manger tous ensemble, avec des chaises installées tout autour. Le repas est servi dans d’énormes plats dans lesquels nous sommes invités à manger par groupe de 5 ou 6 personnes. Nouvelle expérience culinaire intéressante même si un peu épicée pour la plupart de nos palais.

Repas convivial
Puis les représentants prennent la parole. Le chef du village, le maire, la représentante de l’association des femmes du village, la représentante d’IRRIGASC et enfin notre chef pilote.

Prise de parole officielle
Eddy échange avec des enfants du village
Pour terminer cette rencontre charmante, on nous propose de planter un arbre à proximité d’une gaine IRRIGASC afin de marquer le coup, de concrétiser notre engagement et également de rendre un hommage à nos deux collègues disparus trop tôt.
Nous étions assez fiers de nous après les baptêmes, c’est encore mieux après avoir planté chacun un arbre dans la terre du Sénégal. Nous espérons qu'ils grandiront et donneront de bons fruits par la suite.
Laurent et Eddy plantent un arbre pour le village
La suite de la journée est un retour à l’hôtel où les préparatifs pour les jours suivants se poursuivent. Nous reprendrons le retour vers la France dès demain.