Départ : Nouadhibou GQPP (Mauritanie)
Escale : Saint Louis GOOS (Sénégal)
Arrivée : Dakar GOOY (Sénégal)
Distance : 800 km
Temps de vol :4h30
Le jour se lève sur Nouadhibou mais cela fait déjà un petit moment que nous avons les yeux ouverts.
Nous prenons le petit déjeuner
assis en rond sur le tapis. Étape saharienne oblige, on se met à la mode orientale. Nous arrivons à
Dakar ce soir, nous avons le cœur léger.
Au retour sur le terrain, nous
débâchons l’avion, retirons les mousses de protection d’entrée d’air et
libérons les caches des sondes pitot et statiques. Le sable est bien réparti tout autour des
protections, nous avons eu raison d'en prévoir plusieurs couches. Le sable
est un ennemi redoutable pour l’avion. Dans le moteur, il fait du dégât, et dans
les prises d'air, il bouche les conduits, faussant les indications d’altitude et de
vitesse. Sur le pare-brise, si on n’y fait pas attention et que l’on passe un
coup de chiffon banal, on peut rayer le plexiglas de la verrière et réduire la visibilité.
Il faut donc être vigilant.
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Azur 6 prêt au départ en Mauritanie |
Depuis le sud du Maroc et la
Mauritanie, nous avons toujours eu un peu de vent, ce qui nous permet de ne pas cuire
sous le soleil du Sahara. C’est toujours le cas aujourd’hui. La caravane se
remet en route doucement, nous laissant le temps de monter à la tour nous
faire tamponner notre carnet de vol. Nous avons à présent le tampon de
Casablanca, de Tarfaya et de Nouadhibou. Le prochain sera Dakar à coup sûr. Les
gens ici sont vêtus avec la toge traditionnelle des nomades du désert avec le
chèche autour du visage ou un chapeau. C’est différent de notre culture mais ça
nous rappelle que nous avons fait du chemin. Discuter avec ces gens ayant une
notion du temps différente de la nôtre est très enrichissant.
Nous reprenons la route vers Dakar, Eddy en commandant de
bord. 4h30 de vol nous attendent pour rejoindre notre destination du jour. Sur le chemin, nous ne
bénéficions plus de vent favorable, nous entrons dans un vent de sable qui
perturbe notre champ de vision et qui rend au désert ce qui est au désert. Cela ne va pas faire du bien à notre moteur.
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Le vent de sable, pas très accueillant... |
Très peu d’espaces aériens ou zones limitent notre altitude, chaque équipage tente donc une stratégie différente en vol pour éviter les affres du plein soleil convergeant sur la verrière sans ombre et tenter de trouver un courant d’air favorable. Certains montent à 4500ft, d’autres 3000ft et d’autres encore
tente 2000ft mais rien n’y fait. Nous ne sommes pas aidés. Pour notre part,
nous avons choisi de voler à basse altitude vers 1000ft.
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Vol basse altitude en vent de sable |
Certes il
fait chaud, certes le moteur aspire beaucoup de sable mais nous avons un bon
visuel sur le sol et il est plus facile de lever les yeux vers le ciel pour
trouver les copains que de se chercher dans l’espace si on se retrouve en plein
dans le nuage de sable. Et puis, nous finissons par trouver un léger vent favorable nous faisant gagner 10kt par moment. Habituellement, nous croisons à
115kt, aujourd’hui avec la chaleur nous avons plutôt une vitesse de l’ordre de
100kt voir 105-110 par moment grâce au coup de pouce de vent. Le vol est
parfaitement rectiligne. Nous cherchons à maintenir la vitesse sol. Petites
corrections, pilotage de planeur. C’est fatiguant, mais ça paie. Les calculs
donnent des résultats favorables pour la destination, Dakar. Nous avons mis Saint Louis en déroutement sur le plan de vol. C’est de la triche : nous
nous arrêterons de toute façon, pour boire frais et satisfaire à nos besoins naturels.
La température monte. Le plan tient pour la destination. Le vol se transforme en
course d’endurance. Les 3 membres d'équipage surveillent les signaux envoyés
par leur corps : soif, chaleur, faim, digestion…
Pas de souci de pose pipi, par
contre nous devons boire, beaucoup. Nous perdons plus d’eau que nous n’en consommons.
Ce sont les aléas du vol dans le désert.
Ce serait mentir que de vous dire que
nous avons eu un vol merveilleux avec un défilé de paysages magnifiques ... nous
étions plutôt dans l’ordre du dépassement de soi et de la concentration.
Cela fait plusieurs jours que nous
faisons 5h de vol par jour, avec la préparation amont et les briefings ainsi
que les rencontres, les journées sont longues et la fatigue s'accumule et se fait clairement
ressentir. Mais, dans de telles conditions, il est important de faire un des
exercices les plus exigeants, le vol en palier à vitesse constante par
visibilité réduite et conditions difficiles. Ce n’est pas facile, surtout pour
Eddy qui débute dans le métier, mais il est venu pour ça. Sortir de sa zone de
confort pour apprendre et découvrir, ça fait partie des objectifs de ce Raid
aérien. Et bien ça tombe bien, c’est maintenant.
Comme prévu, nous ne voyons pas la
frontière invisible qui marque le passage du désert à la savane, à l’approche
du fleuve Sénégal. Le cerveau met du temps à comprendre qu’il y a de nouveaux
des arbres et de l’herbe. Nous passons au-dessus de villages de pêcheurs, le
long de la plage, avec des cocotiers. Après 1500 km de sable désertique, nous
ne pouvons plus nous en passer. 3h30 plus tard, nous décidons de dérouter sur
le terrain de Saint-Louis du Sénégal pour des raisons de confort et historiques.
Saint Louis est en vue, nous arrivons au bout de la Ligne. L'aérodrome est contrôlé,
nous en profitons pour faire une longue finale opérationnelle. Un peu de frime,
nous arrivons dans un bled qui a vu passer des pilotes prestigieux après tout.
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Eddy procède à l'atterrissage sur le terrain de Saint-Louis du Sénégal |
Il est prévu d’y revenir dans 2
jours, mais l’idée d’aller se poser sur le terrain de départ des grandes
traversées de l’Atlantique de Mermoz est irrésistible. Et au passage, on est
heureux de sortir s’aérer quelques instants. Enfin, s’aérer est un grand mot,
nous sommes de plus en plus près de l’équateur et le climat tropical nous a
rattrapé. A l’ouverture de la verrière nous avons une claque de chaleur et
d’humidité qui vient nous saluer. Bienvenue au Sénégal !
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Notre avion sur le terrain de Saint-Louis |
Après quelques minutes de répit,
nous repartons vers Dakar. La ville de Saint-Louis et les plages de Dakar sont
magnifiques mais nous ne nous éternisons pas, nous y repasserons dans quelques
jours plus longuement.
A l’approche de Dakar, l’énorme statue de la Renaissance
nous salue et nous nous posons sur l’aéroport international de Léopold Sedar Senghor.
Lolo s’est posé a Tarfaya, Eddy à Saint Louis, Camille à Dakar : tout l’équipage Azur 6 s’est badigeonné de légende.
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La statue de la renaissance de Dakar |
Pour l’anecdote, le contrôleur
aérien nous a demandé de nous presser un peu dans le tour de piste sans aucune
raison visible à première vue. Au sol, nous voyons l’avion présidentiel derrière
nous. Nous comprenons que nous devions dégager le passage pour Monsieur le
Président de la République du Sénégal. Un honneur.
A l'arrivée à Dakar, Eddy a monté
un plan pour aller porter la bonne parole des études supérieures, dans un lycée
de Dakar. Le prof qui vient nous chercher ne peut s'empêcher de rire quand il nous voit
débarquer à 2, alors qu’il est venu avec un bus de 60 personnes. On traverse Dakar à 8 dans un énorme
bus, alors que nous croisons des tas de gens entassés dans des petits bus qui
ressemblent à la voiture de Bob Marley. Tiens, une stèle à la mémoire de Jean Mermoz. Il y a
carrément un quartier qui porte son nom. Difficile d’échapper au raid
Latécoère.
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Stèle de Mermoz sur un rond point dans le quartier du même nom |
Notre contact sur place est M.
Simon Goudiaby qui est le responsable des classes préparatoires aux grandes
écoles de l’école Sacrée Cœur de Dakar. Notre présence est une initiative
Azur 6. L’école Sacrée Cœur est un réservoir de talents sénégalais qui envoie leurs
élèves passer leur diplôme d’ingénieur en France. Soit du côté dans La Rochelle ou en Normandie grâce à des accords. L'école d'ingénieurs qui nous concerne est l’ESIGELEC de
Rouen. Eddy en est sorti diplômé en 2015 après 3 ans d’études. L’idée de cette
rencontre est de créer là aussi un lien entre les étudiants de Rouen et ceux de
Dakar qui sont amenés à se retrouver à l’ESIGELEC, le moment venu. Le temps nous manque mais nous allons tout de même dans l’école de Simon.
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L'école Sacrée Coeur de Dakar |
Dans un
amphithéâtre rempli d’une cinquantaine d’étudiants en classe préparatoires,
nous sommes attendus sur scène assis à la table, façon conférence de presse.
Après les présentations, l’échange débute. Eddy a prévu une présentation de
l’école avec des photos et des vidéos malheureusement nous n’aurons pas le
temps de les montrer. Nous improvisons un dialogue. L’idée est de raconter comment
et pourquoi nous sommes devant eux aujourd’hui et leur parler de leur potentiel
futur à l’ESIGELEC. Quelques questions sont posées sur le parcours d’Eddy :
est-ce possible de faire pilote et ingénieur ? Qu’est-ce que c’est vraiment un
ingénieur ? Est-ce que ça paie bien ? Quelles sont les débouchés ?
La réalité est qu’ils ne font que
de la théorie. Pas de pratique car pas de matériel. Ils passent donc des
sélections à la fin de leur scolarité pour intégrer l’école. Ensuite, ils sont
envoyés dans un pays qu’ils ne connaissent pas dans un environnement différent
pour étudier des domaines qu’ils n’ont vus que sur le papier. Et malgré tout, ils arrivent à l’école et ils réussissent leur parcours. L’histoire est prodigieuse.
Il est donc tout naturel de les intégrer à la famille ESIGELEC le plus tôt
possible et leur parler de ce qui les attend pour les motiver et les rassurer.
Leur action est une forme de courage.
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L'amphithéâtre où nous avons pu rencontrer les jeunes |
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Le directeur de l'école, Azur 6, et le responsable de filière M.Goudiaby |
Les étudiants semblent ravis de
l’entrevue et ils viennent nous saluer à la fin de la présentation avec le plus
grand des respect, ce qui ne manque pas de nous toucher. Nous terminons notre
visite par un petit tour dans l’école pour observer les installations. Il faut
aller raconter et montrer tout ça aux étudiants de l’ESIGELEC pour qu’ils
soient conscients de la chance qu’ils ont d’avoir un tel mélange de cultures dans une
école.
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Simon Goudiaby posant fièrement devant sa classe prépa |
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Une rencontre au sommet dans son bureau |
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La salle de classe des prépas |
Après ça, nous sommes raccompagnés
en taxi par Simon Goudiaby qui nous emmène à l’ambassade française pour une
réception donnée en l’honneur du Raid.
Pourris, en combinaison. C'était à parier. Les autres nous
rejoignent. On passe la soirée à admirer la baie sur l’escalier monumental, en
mâchouillant des petits fours et en discutant avec des cadets de l'armée de
l’air sénégalaise. Nous sommes crevés, crasseux, mais très heureux d'être là.
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Accueil du Raid à l'ambassade de France au Sénégal |
Pour
certains, c’est la fin du voyage, pour d’autres, c’est le début du retour. Nous avons une pensée pour les deux
d’entre nous qui n’arriveront jamais.